Vit et travaille à Lyon, France.
Voilà ce qui qui fut dit de deux livres de J.-M. Bertoyas, dans les pages du Terrier :
- sur Ducon (TerreNoire éditions) par Lucas Méthé :
Bertoyas, grand spécialiste de la BD pas normale,
livre ici son livre le plus construit – il faut préciser que
tout son travail apparaît comme une grande entreprise de déconstruction
des codes ; ce Ducon est un de ses premiers livres (il auto-publie
la plupart), ce qui explique peut-être son très relatif classicisme. Ici, il arrive à rendre très réelle
l'histoire de ce petit gars nerveux dont on ne distingue jamais vraiment les
formes du visage, sujet à toutes les tuiles possibles par excès
d'enthousiasme ou d'inexpérience : un vrai récit d'apprentissage,
en somme.
On est cependant sans arrêt sur le fil du lisible et de l'abstraction
formelle (feuilleter le livre n'en dit pas grand-chose ou rien du tout). Un
peu partout des traits de rebords de cases virtuelles ou saoules ; les personnages
comme leurs textes ont des coulures ou des pointillés (sortes d'embranchements
électriques) sur le visage ; les traits d'avant plan, d'arrière
plan, de bulles, de rebords de case, sont enchevêtrés comme dans
une dimension inconnue ; les situations s'enchaînent selon des desseins
impénétrables (ce n'est pourtant rien en comparaison de «
comix » plus récents, qui enchaînent quasiment de case
en case les situations et la manière de le faire ahurissantes –
Princesse, paru chez les Requins Marteaux, est déjà plus déglingué,
mais on peut supposer que ce travail de déconstruction va s'amplifier
jusqu'à, peut-être, une magnifique abstraction qu'on supposerait
incompréhensible mais pourtant irrésistiblement drôle).
Du coup, il y a là une fraîcheur totale, une fascination comparable
à certaines lectures d'enfance inintelligibles ; pour beaucoup dû
à l'absence quasi-totale de référence - les emprunts
à la « petite Lulu » ou autres, carrément décalqués,
sont quand même largement « transcendés » et il n'en
reste vraiment pas grand-chose qui pourrait nous faire savoir sur quel terrain
on est.
L'humour à priori débile est contrecarré par la difficulté
qu'il peut y avoir à le lire, la simplicité bonne enfant des
personnages est balancée par de pleines pages de citations de Karl
Marx, l'amusement n'y sacrifie pas à l'édulcoration (beau et
rare rendu des sujets « prolétariat », « alcoolisme
» et « enfance pourrie », entre autres) ; trop bizarre,
trop « artistique » pour être « populaire »,
mais sans doute trop rural ou gros sabot pour plaire à un milieu artistique
habitué à plus de classe. Loin de se vautrer devant la télé,
les personnages de Bertoyas semblent être conscients que leurs quelques
libertés peuvent servir à autre chose, et tentent d'en profiter
au maximum. Très réjouissant, y compris pour les gros blasés
: chapeau.
- sur Princesse (TerreNoire éditions) par L.L. de Mars :
Voilà une des choses les plus étonnantes
que j'aie lues depuis un bon bout de temps : le Princesse de
Jean-Michel Bertoyas est un pur joyau d'invention graphique et de foutoir
narratif dont le trait de plume quitte librement le dessin pour courir sur
la planche, saturer l'image, corrompre sa lisibilité ou la reconduire,
par soustractions brutales, à la plus grande fluidité. Herriman
(Krazy Kat) a un petit-fils très étrange et terriblement mal
embouché. Toute l'oeuvre est à l'avenant et déploie de
nouvelles zones de destruction systématique des conventions de la bande
dessinée.
Un vrai régal et une expérience de lecteur qui laisse dans un
drôle d'état.
Bibliographie récente:
- 2005 - Princesse - Les Requins Marteaux
- 2005 - Ducon - Terre Noire
- 2006 - Zerlumpt - Terre Noire
- 2006 - Libro Verde - Terre Noire
- 2007 - Derch - Le dernier cri
- 2007 - Le Flon - Les Requins Marteaux
- 2010 - L'Amphigouri - Kobé Books
- 2010 - Nicy - Kobé Books
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